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samedi 12 octobre 2019

Euskadi °43

Perché sur les falaises d’Hendaye, le château-observatoire Abbadia a fière allure. Cet édifice à l’architecture extravagante fut bâti à la demande d’Antoine d’Abbadie, un scientifique lui aussi hors du commun !

D’inspiration néogothique, le château d’Abbadia, érigé entre 1864 et 1879 par Viollet-le-Duc, ne manque pas de surprendre. « À l’image de ses propriétaires, le château est très complexe et plein de paradoxes, à la fois anticonformiste et très conventionnel, et surtout placé sous l’égide de la pensée romantique », analyse l’historienne de l’art Viviane Delpech, auteur d’un magnifique ouvrage paru en 2015. « Cette œuvre d’art à l’aune du délire esthétique doit beaucoup à l’implication quasiment viscérale de ses commanditaires, l’explorateur savant Antoine d’Abbadie et son épouse, Virginie. »

Sur les façades, se nichent des singes, des crocodiles et même des escargots en guise de gargouilles. L’architecture intérieure et la décoration exotique sont à l’avenant. Murs et plafonds sont recouverts de peintures, de grands panneaux de toile peinte tendue, de calligraphie arabe et de proverbes du bout du monde, plus étranges les uns que les autres : « Plus être que paraître », « Ma foi et mon droit », « Ne jette point de pierres dans le puits dont tu bois l’eau »…

Un laboratoire grandeur nature

Le château abrite également de nombreux instruments scientifiques qui paraissent sortis de l’imagination d’un savant fou. C’est le cas de la nadirane, une invention d’Antoine d’Abbadie. Composée d’un bain de mercure placé au fond d’un puits sur lequel se projette un rayon lumineux vertical qui se déplace en fonction des mouvements de la Terre, la nadirane servait à observer les mouvements du sous-sol.

« Antoine utilisait son château comme un laboratoire grandeur nature », explique Céline Davadan, administratrice déléguée du château pour l’Académie des sciences, actuelle propriétaire du lieu. « Pour mesurer la déviation de lumière dans l’atmosphère, il n’a pas non plus hésité à percer des trous dans plusieurs pièces de son château sur plus de 20 mètres pour observer depuis son laboratoire le sommet de La Rhune avec une lunette ! » L’expérience sera un échec. Tant pis, le scientifique en tirera une leçon, qu’il gravera en basque autour de l’un des trous, encore visibles aujourd’hui, situé sous le porche d’entrée : « Ez ikusi, ez ikasi » (« Si tu ne vois pas, tu ne comprends pas »). Une jolie leçon de modestie qui résume assez bien le caractère d’Antoine d'Abbadie, un personnage hors normes, rocambolesque, qui a mené une vie extraordinaire.
Né en 1810 à Dublin d’une mère irlandaise et d’un père basque, l’homme est éclectique, tout autant passionné par la géographie ou l’astronomie que par la culture orientale. Grand voyageur, l’ami intime de l’empereur Napoléon III parcourt le monde et réalise la première cartographie de l’Éthiopie après un séjour de onze ans dans ce pays. Géodésien et astronome, il s’intéresse aux sources du Nil et à la cartographie céleste, avant de prendre la présidence de l’Académie des sciences, en 1892. Ardent défenseur de la culture basque, il écrit des ouvrages sur la grammaire basque et relance les fêtes locales… La visite du château est un périple à travers le monde, les époques et une plongée dans l’âme (basque ?) d’un savant emblématique du XIXe siècle.










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