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dimanche 28 août 2022

Monica, née au bord de La Route Bleue !!

 Lorsque Jean Tastevin décide de lancer le concept d’une voiture de luxe en 1967, cet industriel français dirige déjà la CFPM (Compagnie française de produits métallurgiques) . Sa société, dont les ateliers sont installés à Balbigny (Loire), fabrique du matériel ferroviaire, des wagons-citernes et wagons-trémis entre autres : 25% du matériel utilisé en Europe sont fabriqués dans ses locaux (qui deviendront ensuite Trouillet puis Samro).

Jean Tastevin roule en Jaguar, mais rêve d’une voiture de luxe française. Celle-ci n’existant pas, il décide de la créer. Et de lui donner le nom de sa femme, Monique.

 Le projet, débuté en 1967, était un concept qui avait 40 ans d’avance : une berline sportive et luxueuse, entièrement climatisée, offrant 4 vraies places et un coffre capable de loger une demi-douzaine de valises. Jantes alu, clim multizones, tableau de bord en loupe d’orme et cuir, volant en bois verni, des compteurs Jaeger, 4 vitres électriques, installation HiFi avec magnétophone lecteur/enregistreur de cartouche à 8 pistes, portières à ouverture et fermeture assistées par des moteurs électriques, intérieur cuir avec set de bagages fait par un très grand sellier, adaptés au coffre et assortis au cuir de l’habitacle, moquette en laine de Shetland, etc !!.

La 1ère maquette en bois est réalisée par le maître carrossier français Henri Chapron avant d’être expédiée à Turin chez Vignale pour être fabriquée en petite série.

Malheureusement le carrossier italien meurt en 1969. Jean Tastevin confie alors la réalisation du prototype à la firme anglaise Airflow Streamlines. Enfin la voiture peut être présentée en avant-première du Salon de l’auto en 1972; une version équipée d’un moteur V8 anglais, développé à l’origine pour la Formule 1. Mais trop sophistiqué, donc fragile, il se révèle très peu fiable à l’utilisation. Jean Tastevin lui préfère finalement un autre V8, américain cette fois, de chez Chrysler. Il pense qu'enfin il va pouvoir lancer son véhicule grand luxe sur le marché. La Monica 560 (qui pèse 1,8 tonne et peut atteindre une vitesse de pointe de 240 km/h) est prête pour le Salon de l’auto tout comme les carnets de commande. C’est sans compter sur les événements internationaux qui vont lui mettre des bâtons dans les jantes.

Car arrive le choc pétrolier de 1973 !! L’OPEP décide d’augmenter de 70 % le prix du baril et de réduire sa production. En France le prix de l’essence est multiplié par 5 en un an !! L’État instaure des limitations de vitesse afin de réduire la consommation de carburant.

C'en est trop, et en 1974, alors que tout est prêt, chaîne de montage et cabine de peinture, Jean Tastevin jette l’éponge : la production de la Monica est arrêtée après qu’une vingtaine d’exemplaires soient sortis des ateliers de Balbigny.

Pourtant un ancien ouvrier de l’usine du Roannais, affecté au montage de la voiture à l’époque, a une autre version : « Ce n’est pas la crise de 1973 qui a stoppé la production. Cette voiture consommait effectivement 18 L/100 et était très chère, 164000 francs, soit le prix d'une Rolls-Royce de l'époque (ramenée au prix d’aujourd’hui elle coûterait 93.650 €). Mais elle visait une clientèle fortunée qui pouvait assurer ces frais. En réalité, c’est le moteur anglais qui était en cause. Nous n’avons jamais réussi à le régler correctement. Quand nous avons exposé la Monica à Paris on ne pouvait pas la faire essayer car le moteur ne marchait pas bien. »

D’après lui, quand Jean Tastevin décida de changer de moteur, il était déjà trop tard : « Du jour au lendemain, tous les ateliers de la Monica ont fermé. Toutes les voitures non finies, une cinquantaine, sont finalement cédées à l'ancien pilote Guy Ligier devenu constructeur de Formule 1 qui les laissera pourrir lamentablement derrière son usine. La plupart des ouvriers de la chaîne se sont retrouvés au chômage. »

 L’arrêt de la voiture coïncide avec la fin d’un monde, d’une certaine prospérité. Monica est morte avec les « 30 Glorieuses »

La stratégie d'aujourd'hui des "coupés 4 portes" (Mercedes CLS ou Porsche Panaméra) démontre que Jean Tastevin fut un visionnaire....

Jean Tastevin a t-il eu tord d'avoir raison trop tot ??






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