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samedi 20 septembre 2025

 Le 5 juillet 1944, au petit matin, les combats ont fait rage dans 2 hameaux, situés à quelques kms de chez moi. 7 civils et 7 résistants avaient perdu la vie. Retour sur cet épisode tragique.

Au mois de mai 1944, un maquis de l’AS installé à Boussoulet (Haute-Loire) fut placé sous les ordres de l’aspirant Albert Oriol dit Maloire pour devenir un Groupe Mobile d’Opérations, le GMO 18 juin. Composé de 4 groupes de combat, les hommes étaient armés de fusils mitrailleurs, de mitraillettes Sten, de munitions et de grenades, issus de confiscations. La troupe disposait de voitures et de camions. Vers le 10 juin, environ 35 hommes du GMO s’installèrent à Saint-Maurice-en-Gourgois (Loire), au hameau de Gland, où leurs véhicules furent garés dans des hangars et à la ferme Chaumet (ou Chomet), proche de la commune de Çaloire. Soutenus et hébergés par une partie de la population, ils étaient chargés du ravitaillement de troupes sur l’arrière et ils entreprirent diverses réquisitions.

Le 4 juillet, un groupe s’était rendu à Saint-Étienne pour s’occuper d’un dépôt de munitions et était rentré tard dans la nuit. Le 5, vers 4 heures du matin à la ferme Chaumet, Roger Jeunet alias Rogue, une des sentinelles, donna l’alerte : des soldats allemands arrivaient de Saint-Étienne par la route de Chambles. Le combat fut aussitôt engagé, les maquisards répliquant par des tirs de fusils mitrailleurs. Paul Bec, chef de groupe, fut tué et plusieurs hommes blessés grièvement tandis que les munitions s’épuisaient. Après une défense courageuse, Oriol ordonna le décrochage tandis que s’élevaient des flammes au dessus de Gland. Roger Jeunet blessé aurait péri dans l’incendie de la ferme.

Dans le même temps, au hameau de Gland à 5 heures, une troupe de soldats allemands et de miliciens entreprirent de fouiller les maisons et incendièrent 3 bâtiments où stationnaient des véhicules du maquis.

Chez Benoit Cusset, qui hébergeait 8 résistants, on entendit l’arrivée d’un camion qui transportait les soldats ennemis. Sa fille et sa nièce âgée de 10 ans réussirent à s’enfuir tandis qu’une bataille s’engageait. Benoit, réfugié avec sa femme Marie derrière un mur, fut blessé. Cinq maquisards allaient perdre la vie tandis que Marie, qui avait appelé au secours pour son mari, était conduite près de l’école de Gland où avaient été regroupés des otages. Benoit Cusset mourut le jour même à 16 heures à l’hôpital de Firminy

A la ferme de Jean Cusset, frère de Benoit, Marcel Cusset et Michel Champagnac tentèrent de s’échapper et furent tués 200 mètres plus loin dans un champ de blé.

Chez Faure, Rémy qui avait ouvert sa porte fut emmené au centre du hameau où étaient les otages, le reste de la maisonnée s’étant caché. Après un pillage en règle, la ferme fut incendiée pour déloger tout le monde ; à la sortie de leur cachette, Jean Bory fut exécuté de 2 balles de revolver dans l’œil, son grand-père Jacques Bory abattu dans la cour, derrière le puits. Marie Faure fut blessée par balle ainsi que son fils Louis âgé de 15 ans ; une jeune réfugiée de 10 ans, Marie Achard qu’ils hébergeaient, reçut une balle dans la tête.

Dans une maison voisine, Claudine Bory fut abattue d’une balle dans la tête; son petit garçon fut épargné.

A la ferme Baroux, vers 5 heures 30, Pierre qui avait entendu le bruit du canon et les rafales de mitraillettes, ouvrit sa porte et fut blessé à la tête par des tirs. Il s’enfuit et se cacha durant 4 heures derrière un rocher. Sa femme et sa fille tentèrent de s’échapper par la fenêtre d’une chambre mais son épouse fut abattue et la maison pillée.

A la ferme de Jean Jouve, dormaient 4 maquisards qui se cachèrent dans le foin ; les allemands fouillèrent la grange sans les trouver, mirent le feu mais les maquisards réussirent à se sauver. Jouve et sa femme échappèrent aux Allemands qui les poursuivaient mais leur fils Marcel et Michel Charreyre, un jeune réfugié de 10 ans, furent bousculés et emmenés les pieds nus sous escorte, vers l’école.

A Gland, la bataille dura plus d’une heure, les résistants décrochèrent, 5 des leurs étaient morts au combat : Roger Bonneville, René Costet, Roger Guillot, Jean-Baptiste Rabeyrin et Lucien Rousset. Les assaillants évacuèrent leurs morts et leurs blessés puis quittèrent les lieux vers 14 heures, sans un geste pour les civils blessés. Ils rentrèrent par le pont du Pertuiset et une ambulance de Firminy, appelée pour secourir les villageois, dut laisser un long moment la priorité à leurs camions. Ils avaient eux avec 4 miliciennes, arrêtées par l’AS à Unieux, détenues depuis quelques jours à la ferme Chauvet, qu’ils avaient délivrées. Ils emmenèrent à la caserne Desnoëttes à Saint-Étienne, Paul Vinéis et un autre captif.

Dans les enquêtes de gendarmerie effectuées pour le service du Mémorial de l’Oppression, les témoignages sont concordants : ils attestent de la responsabilité de militaires Allemands et de miliciens dans ces exactions. Ces derniers dissimulaient leur tenue civile sous une capote militaire allemande mais parlaient français. Parmi les témoins, Maurice Buck, alors médecin à Lérigneux (Loire), fut appelé d’abord à Vareilles, commune de Çaloire d’où il fit évacuer les maquisards André Faure et André Durand vers l’hôpital de Firminy. A 10H30 à Gland, il découvrit les morts et les blessés gisant sous un soleil brûlant. Porteur d’un brassard de la Croix-Rouge, il dut décliner plusieurs fois son identité avant d’approcher d’une blessée grièvement atteinte. Le feldwebel auquel il s’adressa en allemand pour réclamer une ambulance, lui répondit :  "Si cela n’avait dépendu que de moi, il n’y aurait pas besoin d’ambulance, tout le village serait rasé et brûlé et tout le monde fusillé, femmes et enfants." Il constata que toutes les blessures avaient été occasionnées par des balles tirées à très courte distance, de face ou par derrière. Le corps des 5 maquisards, crânes fracassés, étaient rassemblés sur la route. Un prisonnier, menottes au poing, eut juste le temps de lui souffler son nom : Paul Vinéis il allait être fusillé à La Grand-Croix le 12 août 1944.

Dans les semaines qui suivirent, le GMO 18 juin se distingua à la bataille d’Estivareilles (Loire) et dans les combats pour la libération de Lyon. Il poursuivit son action jusqu’à la victoire sur le nazisme.

Victimes civiles exécutés sommairement à Gland, commune de Saint-Maurice-en-Gourgois, le 5 juillet 1944 :
Jean Bory , Jacques Bory , Claudia Bory, Benoit Cusset , Marcel Cusset, Michel Champagnac, Julie Robin.
Leur nom figure sur la plaque commémorative au hameau de Gland

Résistants morts au combat à la ferme Chaumet, commune de Çaloire :
Roger Jeunet, Paul Bec


Résistants morts au combat à Gland :
Roger Bonneville, René Costet, Roger Guillot, Jean Rabeyrin et Jean, Lucien Rousset à Gland.
Leur nom figure sur la plaque commémorative à Gourgois, commune de Saint-Maurice-en Gourgois, Paul Bec y est orthographié Paul Beck.

Aujourd’hui la ferme a bien changée, et seule une plaque sur l'un des seuls murs de l'époque indique aux passants le drame.








La ferme Chaumet incendiée après le passage de l'armée allemande








L'aspirant Albert Oriol alias "Maloire" présente la mitraillette Sten à ses hommes. 




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